BARBUSSE Henri. Le Feu : journal d’une escouade. Paris : Gallimard, 2006, 442 p. (coll. « Folioplus classiques »).
Mots-clés : guerre, tranchée, poilu, journal, soldat
Résumé : Lors de la Première Guerre mondiale, des hommes de toute la France et de tous les milieux sont envoyés sur le front. Henri Barbusse retrace l’histoire de son escouade, l’ambiance dans les tranchées et la guerre, une guerre brutale et infernale. Sont décrits les obus, la saleté du front, l’enfer des combats, les cadavres qui deviennent un élément du paysage comme un autre, la peur constante, la souffrance des soldats blessés, et le décalage entre l’enfer du front et le paradis à l’arrière. Puis les derniers chapitres sont consacrés à une réflexion sur la guerre et sur ses conséquences, avec un message pacifiste en rupture avec celui de l’époque de la parution du livre (en 1916).
Notre avis sur le livre :
Cet ouvrage permet une véritable immersion dans la vie des poilus au front, dans leur quotidien et même dans leur vocabulaire. Le feu y est présent constamment, physiquement avec les obus qui brillent dans la nuit, les coups de feu, les grenades, etc., et métaphoriquement avec l’épreuve du feu lors des assauts et l’enfer qu’est la guerre. Les propos sont crus, ce qui permet de comprendre toute l’horreur de la guerre. On y voit des soldats mourir après avoir appris à les apprécier, des soldats décorés alors qu’ils sont déjà morts, des cadavres, parfois de compagnons, devenir insignifiants et se fondre dans le fond de la guerre. Un des passages les plus marquant est celui où Pépin découvre que son village natal a été détruit par la guerre, symbolisant la perte de racines et de stabilité et renforçant toute l’absurdité de la guerre. Le chapitre « Les Morts », avec une référence au « Dormeur du Val », appuie également toute l’absurdité de ce massacre inutile, tant et si bien que la partie réflexive de l’ouvrage où Henri Barbusse expose sa thèse pacifiste paraît superflue. Le décalage avec l’arrière, l’incompréhension entre l’horreur de la guerre que les civils n’ont pas vécu, le nationalisme qui met en avant les soldats comme des héros, et la misère et la désolation des soldats au front sont autant de thèmes qui ressortent à la lecture du livre.
JÜNGER Ernst (trad. PLAD Henri), Orages d’Acier : journal de guerre. Paris : Le Livre de Poche, 2002, 379 p.
Mots-clés : tranchée, soldat, guerre, Allemagne,
La Marne, Champagne, la Somme, etc., Ernst Jünger, allemand, retrace son parcours au front lors de la Grande Guerre. Il y décrit l’enthousiasme du début du conflit, puis la réalité de la guerre qui s’enlise, les échanges incessants d’artillerie, ses trois blessures et sa volonté de retourner au front lors des deux premières, la fraternisation avec les soldats britanniques, les pertes humaines et l’épuisement de l’armée allemande.
Notre avis sur le livre :
Contrairement à Henri Barbusse, Ernst Jünger n’adopte pas un ton aussi pacifiste. Il a une approche plus impassible et froide de la guerre, des orages d’acier constants qu’est l’artillerie, des massacres, et il exprime peu de peur lors du conflit, sauf vers la fin où l’on sent l’épuisement. Il y a même une forme d’exaltation face à la guerre, d’exaltation pour les combats. Par exemple, la journée de victoire et de massacre en Novembre 1917 est qualifiée de « prodigieuse ». De plus, on ne lit pas d’animosité envers les soldats ennemis, ceux d’en face, que ce soit lors des conversations avec les soldats anglais ou lors de la capture des prisonniers. On trouve également des scènes de forme de bonheur, comme lorsqu’il lit dans l’abri des tranchées. On peut regretter l’absence de la fin de la guerre, mais l’ouvrage est poignant et surprenant, et donne un point de vue autre que celui d’Henri Barbusse.
HATZFELD Jean. La Stratégie des antilopes. Paris : Seuil, 2007, 312 p. (coll. Fiction & Cie)
Mots-clés : Rwanda, génocide, Tutsi, Hutu, pardon
La Stratégie des antilopes conclut une trilogie sur le génocide rwandais de 1994. Il fait suite à Dans le nu de la vie, qui recueille les témoignages des survivants tutsis du village de Nyamata racontant leurs efforts pour échapper à la mort et la terreur du massacre, et à Une saison de machettes, qui donne la parole aux tueurs Hutus emprisonnés. Ce dernier volet de la trilogie se concentre sur la libération des tueurs et sur la coexistence forcée des Hutus et des Tutsis dix ans après le génocide. Jean Hatzfeld récolte les témoignages de Tutsis et de Hutus, les craintes, le ressentiment, l’impossible réconciliation. L’ouvrage s’interroge sur la possibilité même d’une réconciliation après un tel massacre, sur la justice relative des Gacaca, sur le silence face à la mémoire, sur l’ineffable de ce drame.
Notre avis sur le livre :
Cet ouvrage est une lecture essentielle. Contrairement aux ouvrages sur la guerre ou le génocide, il ne traite pas le moment même du drame humain mais la vie 10 ans après et donne également la parole aux bourreaux. La question de l’impossible pardon et du traumatisme immense des Tutsis face aux Gacaca et à la libération des Hutus pour désengorger les prisons est particulièrement intéressante. Comment vivre avec l’assassin de sa famille ? D’autant que l’ouvrage permet de comprendre toute l’importance du voisin au Rwanda, et la trahison immense de ce principe que fut le génocide. Les témoignages des Hutus, qui semblent souvent ne pas ressentir de culpabilité tant les Tutsis ont été déshumanisés et qui décrivent tout le plaisir des expéditions pour tuer leurs anciens voisins, sont édifiants : ils ne paraissent demander pardon que par obligation du gouvernement et par peur des représailles. L’ensemble des questionnements sur le pardon, le retour impossible à une vie normale, la reconstruction de soi et d’un pays, et des questions plus vastes sur l’Afrique, la vision occidental du progrès et de l’histoire face à celle africaine, etc., rend la lecture de ce livre passionnante.
BON Adélaïde. La petite fille sur la banquise. Paris : Grasset, 2018, 256 p.
Mots-clés : viol, justice, pédocriminalité, traumatisme, reconstruction
En 1990, alors âgée de neuf ans, Adélaïde Bon est victime d’un viol dans l’escalier du hall de son immeuble. Ses parents la trouvent en pleurs et l’emmènent au commissariat où une plainte contre X est déposée. Le roman autobiographique retrace sa vie depuis cet événement traumatique jusqu’au procès du coupable, 25 ans après les faits. Elle raconte sa souffrance et sa solitude, tout l’impact que cet événement qu’elle a pourtant enfoui continu d’avoir sur sa vie. Elle décrit également la notion même de viol, mal connue et minimisée par celle d’agression sexuelle.
Notre avis sur le livre
Cette lecture peut être difficile, mais elle permet de comprendre ce que traverse une victime de crime sexuel. On y comprend toute l’importance que prend le traumatisme dans la vie d’une victime (dans son adolescence, ses pensées, la difficulté à construire une relation avec un homme, etc.), ou encore ce qu’est l’amnésie traumatique. Les interrogations sur les termes pour caractériser le crime, le criminel (pédophilie et pédocriminel) sont également prenantes. À travers cet ouvrage, Adélaïde Bon pointe du doigt toute la méconnaissance et l’importance de l’usage du bon vocabulaire pour se reconstruire suite à ce viol. Il s’agit donc une lecture éprouvante, sans pour autant qu’il y ait une forme d’auto-apitoiement, mais puissante. La fin, sur son viol qu’elle qualifie de « bon » viol car commis par un étranger sur plusieurs enfants de bonne famille, bien habillées, dehors, en opposition aux viols commis dans le cercle intime ou de connaissance de la victime et auxquels l’on donne moins de crédit, est également une note préventive intéressante.
HUDSON Kerry (trad. LÉVY-PAOLONI Florence). Basse naissance. Paris : Philippe Rey, 2020, 287 p.
Mots-clés : pauvreté, violence, délinquance, enfance, société
2014, Kerry Hudson revient à Aberdeen, lieu où elle a vécu une partie de son enfance. Elle entreprend ensuite un voyage en Écosse et en Angleterre pour revenir sur les lieux marquants de son enfance afin de se la remémorer. Elle relate la vie précaire qu’elle a mené avec sa mère et sa sœur, la violence des compagnons de celle-là, l’alcoolisme, ses déménagements, l’absence de ressources financières, l’isolement social , le rejet par les autres élèves dans les différentes écoles et la difficulté d’échapper à la pauvreté. Elle retranscrit également les stigmates sociaux des quartiers pauvres et la pauvreté chronique due aux systèmes socio-économiques.
Notre avis sur le livre :
Ce livre permet de découvrir la pauvreté au Royaume-Uni, plus particulièrement en Écosse. Même si les réflexions de Kerry Hudson à la fin de l’ouvrage sur la pauvreté ne sont pas suffisamment abouties et n’apportent pas de réelles solutions, son témoignage et les passages où elle retourne visiter les lieux de son enfance sont particulièrement touchants. Notamment, le moment où elle retourne à la Banff Academy et discute avec une professeur de ce qui est mis en place pour éviter la discrimination des élèves venant de milieux défavorisés est émouvant. La description de sa famille dysfonctionnelle est dure, à tel point que l’on se demande si le comportement de sa mère n’a pas eu plus d’impact que la pauvreté elle-même. Le passage qui décrit la violence de Bill, un des compagnons de sa mère, est particulièrement criant sur l’omniprésence de la violence et l’environnement chaotique que Kerry Hudson explique comme étant une situation banale dans son introduction en s’appuyant sur l’ACES (test sur les expériences traumatiques de l’enfance). On pourra cependant regretter que le livre se termine sur son entrée à l’université à Londres, sans finir d’expliquer la trajectoire qui a amené Kerry Hudson à sa situation actuelle.
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